Qui ne se rappelle pas des « Temps modernes » de Charlie Chaplin ou de Fantine de Victor Hugo ? Ces protagonistes qui dénoncent les méfaits du fordisme, du machinisme industriel et des mauvaises conditions de travail. Il n’y a pas si longtemps, évoquer la qualité de vie au travail était semblable à une divagation. En effet, ce n’est qu’au milieu des années 70 que la QVT a été mentionnée la première fois lors d’une conférence aux États Unis.
Aujourd’hui, la qualité de vie au travail, occupe une place prépondérante dans l’entreprise. En effet, elle est devenue une préoccupation majeure tant bien pour la RH que pour les collaborateurs.
Pourquoi la QVT ? Et comment l’améliorer ?
Qualité de vie au travail : présentation
La qualité de vie au travail désigne une démarche et des actions visant à améliorer l’expérience et le bien-être des collaborateurs. Le but est de réunir des conditions favorables à la productivité. La QVT englobe deux types d’éléments :
Éléments tangibles : l’environnement, l’ergonomie du matériel, la sécurité, le service de conciergerie…
Éléments intangibles : la culture, le management, le climat social, le développement personnel, l’égalité et l’inclusion, le sens du travail…
II faut toutefois noter que qualité de vie au travail se distingue des conditions de travail.
Les conditions de travail désignent principalement le cadre matériel tel que la qualité des équipements, les locaux… ces éléments sont une composante importante de la QVT, mais ils ne représentent pas son équivalent.
Cadre légal
Lorsque l’on parle du cadre légal de la qualité de vie au travail, on évoque l’obligation de prévention des risques. L’entreprise doit, en effet, garantir la sécurité de ses employés et préserver leur intégrité physique et mentale.
Un autre encadrement législatif réside dans l’Accord National Interprofessionnel (ANI), signé en 2013, celui-ci identifie 10 composantes de la QVT à savoir :
- L’engagement des collaborateurs
- Les relations entre les collaborateurs
- Le partage des informations dans l’entreprise
- L’organisation du travail et la mise en œuvre
- Le développement personnel
- L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle
- L’espace physique
- Le contenu des tâches
- Le dialogue social
- L’égalité et l’insertion professionnelle
La loi Rebsamen a consolidé l’ANI en 2017 et a formalisé les thèmes à traiter au cours desnégociations annuelles obligatoires (NAO) :
- Les objectifs et les moyens pour atteindre l’égalité professionnelle homme/femme.
- L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle
- La discrimination au niveau des recrutements et de l’insertion professionnelle
- Le droit d’expression
- Le droit à la déconnexion
- La prévoyance d’entreprise
Même si cette loi introduit les thèmes à négocier, elle n’impose pas la mise en place d’une stratégie QVT. L’entreprise est donc libre d’adopter ou non une stratégique concrète. Il est cependant judicieux d’opter pour une démarche QVT. Celle-ci offre un large éventail d’avantages pour l’entreprise et pour les collaborateurs !
Qualité de vie au travail : Un atout pour l’entreprise et le collaborateur
1. Pour l’entreprise
Un moteur de productivité
Un collaborateur heureux est un collaborateur plus performant et plus créatif ! Une bonne QVT réunit les facteurs nécessaires pour instaurer un cadre propice à la productivité. En effet, un personnel épanoui augmente la productivité de l’entreprise de 13% (Étude Oxford Business School et British Telecom).
Grâce à une démarche QVT, l’entreprise diminue son taux d’absentéisme. Des collaborateurs heureux et « détendus » s’absentent moins et sont moins susceptibles de tomber malades.
L’investissement dans la QVT présente également un atout pour la Direction des RH, dans la mesure où elle peut évaluer le ROI en estimant l’évolution de la productivité sur la durée. Elle peut ainsi justifier la rentabilité du projet avec des résultats rationnels.
Un atout pour faire briller sa marque employeur
Lorsque l’on évoque les grandes entreprises high tech, on pense aux plaisirs des collaborateurs (salles de sport, des vélos offerts, une ambiance zen et chaleureuse…). C’est cette représentation mentale qui constitue la marque employeur d’une entreprise et qui est susceptible d’attirer les talents.
La révolution digitale, avec son cortège de plateformes et de réseaux sociaux, a fait du collaborateur un ambassadeur de la marque employeur. Il est devenu un évaluateur de sa propre entreprise. Il est ainsi dans l’intérêt de la RH de se focaliser sur la QVT pour améliorer l’expérience du collaborateur et par ricochet la réputation et la résonance de la marque employeur sur le marché du travail.
Une meilleure rétention du personnel
Avec l’arrivée de la génération Z, dite nomade, sur le marché du travail, recruter les collaborateurs de haut potentiel et les fidéliser devient un vrai challenge.
En pleine guerre des talents, la qualité de vie au travail devient le fer de lance de la RH. En effet, mettre en place une stratégie QVT améliore le bien-être et la rétention dans l’entreprise.
Un cadre agréable, une bonne organisation de travail et un climat social sain basé sur l’empathie et l’écoute, développent le sentiment d’appartenance et l’engagement des collaborateurs. Ces derniers seront ainsi moins enclins à quitter l’entreprise.
Dans le cas contraire, un mal-être au travail pousse les collaborateurs à démissionner. 50% des démissionnaires en France se plaignent d’un manque d’empathie de leur manager !
2. Pour le personnel
Équilibre vie perso vie pro
La génération Z, éprise de liberté, aspire à concilier vie professionnelle et personnelle et exige une bonne qualité de vie au travail. Pour les milléniaux, la vie sociale, le sport…ont tout autant d’importance que le travail.
La mise en place d’une QVT de qualité assure aux collaborateurs le droit à la déconnexion. Ce qui leur offre la possibilité d’investir sur leur temps personnel, cela réduit la frustration au travail et le désengagement.
Une expérience diversifiée
Le collaborateur attend de son employeur une valeur ajoutée qui va au-delà de la rémunération. L’élaboration d’un plan d’action QVT inclut la mise en place d’un programme d‘apprentissage et de renforcement des compétences des collaborateurs.
Cela permet de diversifier et d’enrichir les savoir-faire, les savoirs et les savoir-être et contribue au développement personnel des collaborateurs et par conséquence à leur satisfaction dans l’entreprise.
Solidarité, partage et égalité
Une stratégie QVT permet une bonne communication, de la transparence et de la convivialité ainsi qu’une proximité entre le manager et le collaborateur et entre les différentes équipes. Cela développe le sentiment d’appartenance et crée un esprit et une dynamique de groupe. Le collaborateur profite ainsi d’un climat social sain qui favorise la collaboration et le partage d’expérience.
La QVT implique également l’adoption d’une politique égalitaire entre les genres basée sur la non-discrimination. Les décisions et les politiques de l’entreprise sont ainsi basées sur des critères rationnels et objectifs. Cela diminue le stress ou l’inconfort ressenti par le collaborateur ainsi que la jalousie pouvant être suscitée par le favoritisme.
3. Qualité de vie au travail : points de vigilance !
À l’heure actuelle, la QVT est sur toutes les lèvres, or ce n’est pas une formule magique qui apporte une solution immédiate pour augmenter la productivité et baisser l’absentéisme. Il convient, en effet, de différencier entre satisfaction, insatisfaction et motivation au travail.
Si l’on se base sur la théorie des 2 facteurs de motivation de Herzberg, la satisfaction d’un collaborateur n’induit pas forcément la motivation et la productivité.
Sa théorie n’oppose pas la satisfaction à l’insatisfaction.
Au contraire, elle stipule que ces deux ressentis peuvent coexister. Pour générer une réelle motivation au travail et une productivité accrue, il faut opter pour une stratégie QVT qui réduit l’insatisfaction et augmente la satisfaction en même temps.
Un collaborateur satisfait n’est pas pour autant motivé et cela s’applique inversement.
On peut être motivé et peu satisfait. Pour réduire l’insatisfaction, Herzberg recommande de s’investir sur des facteurs extrinsèques comme la rémunération, la convivialité des locaux, l’équipement… Afin de développer la satisfaction des collaborateurs, il convient de miser sur des facteurs intrinsèques comme la responsabilisation, le sentiment d’appartenance, le contenu des tâches, le sentiment de reconnaissance…
Il faut prendre en considération ces deux éléments pour une QVT réussie et pour ne pas finir avec des collaborateurs insatisfaits dans leur travail qui restent dans l’entreprise uniquement pour la qualité de vie au travail orientée sur des éléments extrinsèques.
Qualité de vie au travail : Comment l’améliorer ?
Élaborer une stratégie QVT ne s’improvise pas. Il s’agit d’un chantier dont les résultats dépendent étroitement de la qualité d’analyse en amont et aval de la mise en place. En effet, il est impératif de procéder à un diagnostic interne et d’identifier les axes d’action, et ce, en se basant sur les besoins des collaborateurs (premiers concernés par la stratégie).
1. Les indicateurs, socle de tout projet
Avant de procéder à la collecte des données, la RH est appelée à construire un socle d’indicateurs clés (KPI) bien défini. Le but est de rationaliser le traitement des données récoltées pour mieux cibler les actions à entreprendre.
L’analyse ne doit pas se baser uniquement sur des données quantitatives, même dans une entreprise de grande taille, il est nécessaire d’identifier le ressenti et l’individualité de chaque collaborateur.
La RH peut adopter des indicateurs tels que :
- Le taux de survie des contrats
- Le taux d’absentéisme et des congés maladie
- Le nombre de preuves de désengagement sur une année
- Le Net Promoter Score (NPS)
- Le taux de turnover
2. Les SIRH, un outil incontournable
Les SIRH sont un moyen efficace pour mener des enquêtes et des sondages pouvant épauler la RH dans l’analyse de l’existant.
Ceux-ci offrent une multitude d’indicateurs clés et permettent de générer des questionnaires personnalisés pour évaluer la satisfaction et les besoins des collaborateurs. La RH gagne ainsi en aisance et économise du temps. Grâce aux solutions RH, la marge d’erreur diminue, ce qui renforce la réalité contingente du diagnostic et par conséquence la qualité des actions QVT.
Il est également possible de procéder à la collecte des besoins des collaborateurs anonymement et de les centraliser sur une même plateforme en toute sécurité. Les collaborateurs deviennent ainsi plus spontanés dans leurs réponses et les résultats des enquêtes seront plus crédibles et plus représentatifs de la réalité.
Un autre point fort du SIRH réside dans l’élaboration du BSI. Le bilan social individuel est un support visant à communiquer les rémunérations et les avantages octroyés aux collaborateurs et à valoriser les actions QVT entreprises par l’employeur.
Une solution RH permet de :
3. Qualité de vie au travail : les bonnes pratiques
Les actions les moins coûteuses s’avèrent souvent être les plus efficaces. En effet, s’investir sur des éléments intrinsèques permet d’améliorer réellement la QVT. Dans ce qui suit, quelques actions de QVT. Le choix de l’une d’elles doit être en harmonie avec le résultat de l’analyse préalablement menée avec les collaborateurs.
Les collaborateurs en quête de sens !
Pourquoi je fais ce travail ? Une question fréquente qui traverse l’esprit des collaborateurs et dont la réponse influence leur engagement et leur motivation vis-à-vis de leur travail. La RH a intérêt à communiquer en toute clarté la valeur et la contribution du collaborateur au résultat global, qui va parfois au-delà de l’entreprise et impacte le bien commun (de la société, de la région, du pays…).
Deux tisseurs tissent un tapis, un passant leur demande que faites-vous ? le premier répond : « je tisse un tapis », le deuxième répond « je participe à la décoration d’une salle de bal ». Le premier agit sans connaître le sens de son travail, ce qui diminue, sur le long terme, l’intérêt, la motivation et la satisfaction. En revanche, le 2nd perçoit sa contribution dans un résultat global, ce qui donne du sens à son travail et l’implique.
Pour ramener cette image à la QVT, la RH se doit de mettre en lumière la participation et le rôle de chaque collaborateur dans la performance et le résultat collectifs.
Le droit à l’erreur
L’erreur est une phase fondamentale dans le processus d’apprentissage. La RH doit développer une culture centrée sur la résolution des problèmes et la prévention et non sur la sanction. L’erreur devient ainsi une source de savoir qui permet au collaborateur de développer ses compétences et d’être autonome.
Dans le cas contraire, une culture orientée sur la sanction génère une peur de l’échec, qui peut se transformer en un stress quotidien !
La reconnaissance
Dire « merci » n’est pas seulement un geste de courtoisie. Exprimer de la reconnaissance est gratifiant pour le collaborateur, surtout si cela vient d’un supérieur. Lorsque l’on remercie, on valorise le travail et la personne, ce qui contribue à son bien-être et par conséquence à son engagement et sa performance.
On distingue deux types de reconnaissance :
Communication, écoute et feedback
Il ne peut y avoir une bonne qualité de vie au travail sans une communication positive et une écoute active. Instaurer une culture de feedback est indispensable à cet égard. Le collaborateur est le point de départ de toute stratégie QVT. En conséquence, la RH et les managers ne doivent pas se limiter à l’entretien annuel pour lui demander « comment ça va » dans son travail ?
Une culture basée sur le dialogue, le feedback et l’empathie valorise les collaborateurs et développe un lien de solidarité avec leur manager. Ce dernier est appelé à adopter dans sa communication une posture empathique, une posture coach et une posture de sponsor, selon les besoins de son collaborateur.
Impliquer tous les acteurs de l’entreprise
Avant de mettre en place une stratégie QVT, RH, managers et direction doivent valider et soutenir les actions à lancer. La stratégie ne peut connaître un succès sans le soutien et participation active de tous les acteurs.
Les collaborateurs sont également impliqués dans la réussite du projet. Lorsque le personnel adopte un état d’esprit orienté vers le changement et l’amélioration, le déploiement des nouvelles initiatives QVT devient plus aisé. Si un de ces acteurs ne croit pas à la démarche QVT, le projet peut se solder par un échec…
Conclusion
Yoga du rire, dressage d’animaux, activités culinaires, les entreprises n’hésitent pas à faire preuve de créativité pour améliorer leur qualité de vie au travail, car une démarche QVT intelligemment lancée, est un véritable levier concurrentiel capable d’attirer et de fidéliser les talents et d’améliorer la performance de l’entreprise.